Avez-vous déjà pris conscience que l’émotion que vous communiquez dans une conversation peut atteindre l’autre personne qui se met à éprouver des émotions similaires aux vôtres ? Quand vous souriez, le plus souvent, on vous sourit en retour. Quand une équipe marque un point lors d’un match, les fans, qu’ils soient sur les gradins ou devant leur télévision, ont une réaction émotionnelle synchronisée. Il y a deux mécanismes qui expliquent ces phénomènes, tout d’abord l’empathie que vous connaissez tous et la contagion émotionnelle qui est beaucoup moins connue. Voyons ce que cela signifie !
Définition de la contagion émotionnelle
Dans n’importe quel type d’interaction, les mécanismes de contagion émotionnelle sont présents. Peu importe qu'il s'agisse de votre proche, d'un groupe d'amis, de collègues de travail ou d'événements que vous regardez sur votre télévision, on vous contamine et vous contaminez en retour avec vos propres émotions. L’ensemble de ces interactions sont enrichies, nourries et influencées par les émotions que vous vous renvoyez mutuellement.
la contagion émotionnelle est une tendance innée qui consiste à imiter et à synchroniser automatiquement les expressions faciales, les vocalisations, les postures et les mouvements avec ceux d'une autre personne et, par conséquent, à converger émotionnellement. En d’autres termes, ce mécanisme déclenche des émotions similaires chez les deux interlocuteurs. Il y a une sorte de connexion émotionnelle qui s’établit.
La contagion émotionnelle est un élément de base des interactions humaines. Elle nous aide à nous coordonner et à nous synchroniser avec les autres, à éprouver de l'empathie pour eux et à deviner leurs pensées, autant d'aptitudes qui font partie des compétences émotionnelles et qui sont essentielles à la vie en communauté.
Le rôle des neurones miroirs dans la contagion émotionnelle
Nous possédons tous un répertoire d’émotions, de comportements et de combinaisons complexes de ce qu’un être vivant peut ressentir, c’est comme une grande bibliothèque de l'ensemble de nos ressentis. Alors quand vous interagissez avec quelqu’un, sans même vous en rendre compte, votre cerveau puise dans cette bibliothèque pour décrypter ce que la personne en face de vous ressent, à partir de ce qu’elle dit, de ses micro expressions, de son comportement...etc.
Des cellules spécialisées s’occupent de ce travail dans votre cerveau “les neurones miroirs”, mais elles ne se contentent pas seulement de vous informer sur les sentiments de votre interlocuteur. En effet, elles vous font sentir la même chose que ce que l'autre personne ressent. Imaginez, par exemple, que la personne avec laquelle vous parlez est triste. En détectant cette émotion, les neurones miroirs appuient sur le “bouton tristesse”, par conséquent vous la ressentez aussi.
Lorsque les neurones miroirs s'activent, ils déclenchent le même circuit cérébral que celui qui est actif chez les personnes que vous regardez ou écoutez. C'est ainsi que vous finissez par ressentir cette émotion comme la vôtre, même si vous ne la vivez pas.
Dans une équipe de foot, si par exemple le capitaine de l’équipe trouve que ses coéquipiers ne sont pas assez actifs, enthousiastes ou motivés pour gagner le match, il peut les encourager, par son propre comportement, ses émotions, le ton de sa voix...etc. En réalité son succès dépendra grandement du processus de la contagion émotionnelle. S’il ressent lui-même de la motivation, de la fierté et de l’enthousiasme et qu’il le communique à son équipe, il y a de forte chance que les joueurs ressentent la même chose. Ils peuvent alors se saisir des émotions de leur capitaine et les adopter comme leurs propres émotions. A l’inverse, si le capitaine ne ressent rien de tout cela, la contagion émotionnelle ne fonctionnera pas et il arrivera difficilement à motiver ses troupes. La contagion émotionnelle est un grand instrument de pouvoir d’influence.
Contagion émotionnelle et empathie
Après avoir lu ces quelques lignes sur la contagion émotionnelle, vous vous demandez peut-être pourquoi on l’appelle ainsi puisqu'elle ressemble beaucoup à l’empathie ? Certes, ces deux termes ont des points en commun, elles se partagent notamment le travail des neurones miroirs, mais leurs mécanismes ne fonctionnement pas exactement de la même manière.
L'empathie, c'est quand on se met à la place d’un autre en réfléchissant à sa vision du monde et à ses sentiments. Dans ce processus nous gardons nos propres émotions intactes tout en essayant de comprendre celles de l’autre que nous ressentons parfois. Cependant, dans la contagion émotionnelle nous faisons totalement nôtre les émotions des autres. Nous adoptons ce que l’autre personne vit. C’est comme si son expérience devait la nôtre. c’est comme une fusion ou plus exactement vous êtes englouti par l’émotion de l’autre personne. Il n’y a plus de distinction entre ce que vous ressentez et ce que l’autre ressent.
Si nous reprenons notre exemple de l’équipe de foot et son capitaine qui tente de motiver ses troupes. Si l’un des membres de l’équipe est simplement empathique, il comprendrait que son capitaine essaie de les motiver car ils sont dans une mauvaise posture. Il peut sentir que son capitaine est triste, en colère ou bien qu’il a soif de victoire parce qu’il tient à sa carrière, à ses joueurs...etc. Mais ce joueur est également conscient qu’il ne partage pas les mêmes sentiments que son capitaine d’équipe. Il n’a peut être plus envie de jouer, il en a peut être marre de la compétition, il veut peut-être changer de sport...etc. Ce joueur est capable de se mettre à la place de son capitaine, de comprendre ses motivations et même de ressentir ce qu’il ressent tout en gardant ses propres émotions intactes. Il se distingue clairement de son coach. Cependant, dans un autre contexte les encouragements du capitaine pourraient avoir un tout autre effet sur ce même joueur. En effet, ce dernier pourrait adopter totalement les émotions transmises par son capitaine comme étant les siennes. Elles prennent ainsi le dessus sur ce qu’il ressentait au départ. Les émotions du capitaine l'envahissent en quelque sorte. Cependant, même si ce joueur partage les mêmes émotions que son coach, il n’adopte pas forcément les enjeux qui sont l’origine de l'apparition de ces émotions chez le capitaine (carrière, argent, prestige...etc). C’est d'ailleurs peut être pour cette raison que la contagion émotionnelle peut être éphémère ou transitoire. A la fin du match, le joueur pourra ressentir à nouveau de la démotivation, l’envie de changer de sport...etc.
La contagion émotionnelle n’est ni bonne, ni mauvaise, c’est juste un phénomène naturelle qui a son utilité. Cependant, elle peut être utilisée à des fins de manipulation et elle peut avoir des effets négatifs notamment si on est vulnérable face aux émotions toxiques. Notre vulnérabilité dépend grandement de nos capacités à réguler nos émotions. Aussi d’autres facteurs entrent en compte dans les effets de la contagion émotionnelle, notamment notre histoire personnelle et le type de relation que nous avons avec les autres.
Vulnérabilité face aux émotions toxiques
Cela commence dès l’enfance…
Imaginez un enfant qui vit avec un parent dont l’humeur est instable, dépressive, mélancolique, qui passe du rire aux larmes pour des raisons invisibles, ou bien encore il a des sauts d’humeur sans fondements pour l’enfant qui le regarde. Comment grandit cet enfant imprégné de de l’imprévisibilité de sa mère ou de son père ? sans aucun mot pour expliquer ce qui se passe et ce qu'ils ressentent !
Et bien, je pense que malgré lui, cet enfant apprend à être toujours sur le qui-vive, toujours sur ses gardes. Il apprend à remarquer les moindre petits signes de changement d’humeur pour se préparer à la subir ou adopter le comportement qui lui permettra de survivre avec le moins de séquelles possibles. Ou bien encore, il s'identifiera totalement à son parent et adoptera son humeur et son comportement. Il peut devenir alors colérique, anxieux, violent...etc. C’est triste comme portrait ! mais pourtant cela se passe trop souvent ainsi.
Nous pouvons supposer que si cet enfant est tout le temps submergé, envahi par les émotions de son entourage, ses propres émotions sont alors étouffées. Son détecteur d’émotions est tout le temps tourné vers l’extérieur. Il n’apprend pas à écouter ses propres émotions et n’apprend pas non plus à les distinguer de celles des autres. Il apprend à ressentir les choses par rapport aux autres et non pas par rapport à lui-même. Aussi, son intelligence émotionnelle n’est pas exploitée à son plein potentiel, il n’apprend donc pas à gérer et réguler ses émotions.
L’enfant est une vraie éponge émotionnelle et c’est de son expérience que nous vient notre vulnérabilité face aux émotions négatives des autres. De plus, l'époque actuelle n’arrange pas les choses. Nous sommes submergés d’informations dont certaines sont très toxiques et si nous n’en prenons pas conscience, elles nous entraînent dans leur folie. Ainsi nous développons des colères, des peurs et des angoisses, souvent fantasmées, exagérées qui se substituent à la réalité et nous font croire que quelque chose dysfonctionne chez nous alors qu’au départ cette émotion ne venait pas de nous mais d’ailleurs.
Se protéger de la contagion émotionnelle néfaste
La contagion émotionnelle toxique peut être à l’origine d’un grand mal-être et de pensées négatives qui détériorent la qualité de vie mais il est possible de s’en protéger, cependant cela demande un effort de travail sur soi et tout particulièrement sur la régulation émotionnelle (identifier ses émotions, reconnaître ses émotions par rapport à celles des autres, extérioriser ses émotions de façon saine...etc). Voici donc quelques pistes de travail...
1. S'entourer de personnes positives
Je dirais que c’est la solution la plus simple à mettre en place. Certes cela ne permet pas d’agir sur la contagion émotionnelle mais si vous êtes enclin à absorber les sentiments des autres, il vaut mieux qu'il s’agisse d’émotions positives. Aussi, si vous n’êtes pas prêt ou vous ne pouvez pas travailler sur votre régulation émotionnelle, ceci reste la solution la plus facile pour introduire une contagion émotionnelle positive si la négative domine trop votre vie.
2. Identifier ses émotions et leur origine
Lorsque vous absorbez les émotions des autres, il est important que vous réfléchissiez à ce que vous ressentez et d’en prendre conscience. Commencez par identifier votre ressenti, ensuite posez-vous la question suivante: pourquoi je ressens ….. (l’émotion que vous avez identifiée) quand cette personne me parle de….. (décrivez ce que la personne vous dit). Qu’est-ce que cela vous rappelle de votre propre histoire ?
Je sais que cela est très difficile à faire et trouver des réponses peut prendre beaucoup de temps parce qu’on n’a jamais appris à le faire, mais si vous fournissez cet effort, cela en vaudra vraiment la peine.
Il est important de comprendre que ce que ce que les autres vous font sentir en dit long sur vous. Lorsque quelqu'un exprime ses émotions, cela réveille des choses en vous, des parties de votre propre histoire, de vos propres motivations...etc. Le fait de connaître “ces choses” vous permettra de distinguer ce que vous ressentez de ce que ressent l’autre personne.
Comprendre vos émotions vous permettra de mettre le genre de distance qui vous empêchera d'absorber les émotions des autres. Elles ne sont pas les vôtres, même si elles l'ont été à un moment donné de votre histoire. Vous ne vivez pas les mêmes expériences que les autres. Par conséquent, même si vous pouvez comprendre et sympathiser avec ces personnes, leurs émotions ne correspondent pas à votre propre histoire.
Vous pouvez aussi, de façon plus indirecte, améliorer vos compétences de régulation émotionnelle en pratiquant par exemple la méditation de pleine conscience. Cette pratique vous aidera à comprendre vos émotions et à les identifier.
3. Transmettre la compétence de la gestion des émotions
Si vous êtes en position de pouvoir, réfléchissez à la manière dont vous pouvez servir de modèle à ceux qui se tournent vers vous pour obtenir de l'aide. Par exemple, les parents peuvent donner l'exemple en expliquant à leurs enfants ce qu’ils ressentent et comment ils y font face. Par exemple, en disant : "Maman est un peu stressée en ce moment parce que nous sommes sortis de notre routine quotidienne normale. Mais je fais face à ce stress en dressant une liste de tout ce que nous devons faire aujourd'hui".
Verbaliser ses émotions et partager des stratégies de résolution de problèmes pour y faire face peut être un excellent moyen d’apprendre et de transmettre des compétences de régulation émotionnelle efficaces tournées vers la résolution de problème et non pas vers la contagion émotionnelle.
4. Arrêter la contagion émotionnelle
Je ne dis pas qu’il ne faut pas parler de vos problèmes aux autres ou de partager vos émotions avec votre entourage. Toutefois, sachez que vous disposez d’autres moyens pour exprimer vos émotions notamment quand vous avez des difficultés à les réguler. Essayez de trouver un exutoire non humain dans lequel vous pouvez canaliser votre stress, colère...etc. Si vous ressentez des réactions émotionnelles fortes, incontrôlables et continues et que vous pensez qu'il pourrait être utile de parler à quelqu'un, envisagez de faire appel à un professionnel de la santé mentale qualifié pour une thérapie.
Ces mesures peuvent vous aider à éviter de faire subir aux autres vos propres réactions émotionnelles. Si, toutefois, vous vous trouvez en présence d'une personne qui semble accroître vos réactions émotionnelles, essayez de prendre des mesures pour limiter votre exposition à cette personne.
Bien qu'il puisse être difficile de maintenir un lien émotionnel avec sa famille et ses amis tout en prenant des mesures pour se prémunir contre un effet de contagion émotionnelle, il est possible de fixer des limites et d'éviter de se trouver dans des situations qui peuvent avoir un impact sur votre bien-être émotionnel. Gardez un œil sur vos sentiments et prenez un peu de recul lorsque vous avez besoin d'espace pour décompresser et retrouver votre soi intérieur.
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