Lorsque quelqu’un vient vers vous pour parler de ses problèmes, pour se plaindre ou pour vous dire ce qu’il ressent, comment réagissez-vous ? que lui dites-vous ? Quels effets ont vos paroles et votre comportement sur cette personne ? est-ce qu’elle se tait ? est-ce que ses émotions s’amplifient ? est-elle en colère contre vous ? avez-vous l’impression qu’elle se sent comprise ? est-elle apaisée ?
Vous avez peut-être des doutes ou des interrogation sur votre comportement (verbal et non-verbal) dans ce genre de situation ou bien encore vous n’êtes peut-être pas satisfait du résultat de vos interventions, si c’est le cas, ce qui va suivre pourrait beaucoup vous intéresser.
Dans cet article, je partage avec vous l’une des compétences les plus importantes qu’un thérapeute devrait avoir mais elle ne lui est pas exclusive. Il s’agit de la validation de la personne. Vous aussi vous pouvez la développer ! Ce n’est pas une technique thérapeutique ni une théorie complexe, mais simplement un savoir être et faire relationnel qui vous permettra de développer votre empathie, vos compétences communicationnelles et de donner à vos relations une valeur authentique.
Dans ce qui va suivre je me réfère aux travaux du Dr. Marsha Linehan. Elle est à l’origine de la thérapie comportementale dialectique et elle a identifié 6 niveaux de validation de la personne, mais avant de les aborder voyons ce qu’est la validation.
Qu'est-ce que la validation ?
La validation est un processus qui consiste à chercher à connaitre et à reconnaître les pensées et l’expérience émotionnelle d’une autre personne et lui exprimer votre acceptation et compréhension de ce qu’elle vit. Mais attention ! valider les émotions de quelqu’un ne veut absolument pas dire que son problème n’est pas grave.
La validation se distingue de l'invalidation, dans laquelle les expériences émotionnelles et cognitives sont rejetées, ignorées ou jugées. Généralement, quand on rejette ce qu’une personne exprime sur elle-même cela veut dire que ce qu’elle ressent nous est tellement insupportable ou inconfortable qu'on préfère minimiser ou ignorer ce qu’elle vit. C'est pourquoi dire des choses comme "Arrête d'être triste" ou "Il n'y a pas de raison d'être triste" est contre-productif. Ces déclarations ne font jamais se sentir mieux. Elles ne font qu'ajouter de la pression et des obligations à un combat que la personne mène déjà.
Lorsque nous validons une personne, nous lui permettons de partager ses sentiments et ses pensées en toute sécurité. Nous la rassurons sur le fait qu'il est normal d'avoir les sentiments qu'elle éprouve. Nous lui montrons que nous l'accepterons toujours après qu'elle ait partagé ses sentiments. Nous lui faisons savoir que nous respectons sa perception des choses à ce moment-là. Nous l'aidons à se sentir écoutée, reconnue, comprise et acceptée.
Par ailleurs, la validation s'applique pour les autres mais aussi pour vous-même. Nous parlerons dans ce cas-là d'auto-validation. Vous pouvez apprendre à valider vos propres ressentis et expérimentations pour les vivre pleinement, en devenir conscient et recourir de moins en moins aux comportements d’évitement.
Pour apprendre à utiliser efficacement la validation, il faut la pratiquer et savoir plus en détail ce que ce processus implique. Dr. Marsha Linehan a identifié 6 niveaux de validation. Vous en connaissez peu-être déjà certains.
Niv 1- être présent
Il y a tant de manières d'être présent. Tenir la main d'une personne qui subit un traitement médical douloureux, ne rien faire d’autre que d’écouter un enfant décrire sa journée en première année ou bien encore aller chez une amie à minuit pour s'asseoir avec elle pendant qu'elle pleure parce qu’elle est en souffrance.
Être multitâche tout en écoutant l'histoire de votre adolescent sur son match de football, ce n'est pas être présent. Être présent signifie accorder toute votre attention à la personne que vous validez.
Être présent pour soi-même signifie reconnaître son expérience interne et s'asseoir avec elle plutôt que de la fuir, l'éviter ou la repousser. S'asseoir avec une émotion intense n'est pas facile. Même un fort sentiment de joie ou d'excitation peuvent parfois être inconfortables.
Souvent, l'une des raisons pour lesquelles les autres personnes sont mal à l'aise face à des émotions intenses est qu'elles ne savent pas quoi dire. La solution consiste souvent à être présent, à prêter une attention complète à la personne sans la juger. Pour vous-même, être conscient de votre propre émotion est la première étape pour accepter ce que vous ressentez.
Niv 2- Communiquer sa réflexion
Il s’agit de résumer ce que vous avez entendu et compris de ce que la personne vous a dit (le verbal et le non-verbal). Ce type de validation peut être fait de manière maladroite, en critiquant la personne ou en lui faisant sentir qu’elle est jugée. Cependant, lorsque c’est fait de manière authentique, dans l'intention de vraiment comprendre l'expérience et non de la juger, communiquer votre réflexion est une validation de la personne.
Parfois, ce type de validation aide à trier ses pensées et à les séparer des émotions. "On dirait que tu es déçu par toi-même parce que tu ne l’as pas rappelé et maintenant tu rumines à ce sujet" est un exemple d’une réflexion qu’on communique à quelqu’un après qu’il ait partagé son expérience.
Souvent, quand une personne va mal elle est coincée dans ses pensées et peut difficilement prendre du recul pour « penser sur ses pensées ». Votre intervention agit comme une conscience extérieure, bienveillante qui aide l’autre personne à ralentir la cadence de ses pensées, à faire un temps d’arrêt, à prendre conscience de ce qu’elle vit et mettre de l’ordre dans ses idées.
Niv 3- Relecture
Par relecture je veux dire deviner ce qu'une autre personne pourrait ressentir. La maîtrise de cette capacité varie d'une personne à l'autre. Par exemple, certains confondent la tristesse et la colère. Certains peuvent ne pas être clairs sur ce qu'ils ressentent parce qu'ils n'ont pas eu la possibilité d'expérimenter leurs émotions ou qu'ils ont appris à en avoir peur.
Les gens peuvent masquer leurs sentiments parce qu'ils ont appris que les autres ne réagissent pas bien à leur sensibilité. Ce masquage peut conduire à ne pas reconnaître leurs sentiments, ce qui rend les émotions plus difficiles à gérer. Savoir exprimer ses émotions et les étiqueter est une étape importante pour pouvoir les réguler.
Lorsque quelqu'un décrit une situation, remarquez son état émotionnel. Ensuite, nommez les émotions que vous entendez ou devinez « Je suppose que tu as dû te sentir assez blessé par son commentaire, cela te rend triste ». N'oubliez pas que vous pouvez vous tromper et que la personne pourrait vous corriger. Il s'agit de son émotion et elle est la seule à savoir ce qu'elle ressent. Acceptez sa correction, c'est la valider.
Niv 4- Comprendre le comportement de la personne en fonction de son histoire et de sa biologie
Vos expériences et votre biologie influencent vos réactions émotionnelles. Si votre meilleure amie a été mordue par un chien il y a quelques années, il est peu probable qu'elle apprécie de jouer avec votre berger allemand. La validation à ce niveau serait de dire : « Compte tenu de ce qui t’est arrivé, je comprends parfaitement que tu ne veuilles pas être près de mon chien ». Invalider ses émotions serait de dire par exemple « je t’assure il ne va rien te faire, tu n’as aucune raison d’avoir peur ».
L'auto-validation consisterait à comprendre vos propres réactions dans le contexte de vos expériences passées et de votre histoire familiale.
Niv 5- Normaliser les réactions émotionnelles
Il s’agit de reconnaître les réactions émotionnelles, que n'importe qui pourrait avoir, comme un phénomène tout à fait NORMAL. Comprendre que vos émotions sont normales est utile pour tout le monde. Pour la personne émotionnellement sensible, lui faire savoir qu’il est normal qu’elle ressent ce qu’elle ressent dans certaines situations et qu'elle n'est probablement pas la seule à ressentir cela est une manière de la valider. Par exemple, lui dire « Bien sûr que tu es anxieuse. Parler devant un public la première fois est effrayant pour tout le monde ». L’invalider serait de lui dire « tu ne vas pas en mourir ! vois le bon côté des choses, tu seras fière de toi-même quand tu l’auras fait ». Ces phrases ne sont ni fausses ni méchantes mais je vous assure qu’elles ne changent absolument rien à ce que la personne ressent. Bien au contraire, vous lui dites indirectement que ce qu’elle ressent n’est pas normal, elle est censée ne pas avoir peur et être fière d’elle-même. Ce n’est pas le cas pour elle à l’instant « T » où elle vous le dit. Il est possible que vos interventions, à priori bienveillantes, aient l’effet contraire ! Cette personne va douter d’elle-même parce qu’elle est différente des autres, ce qui accentuera d’autant plus son anxiété.
Niv 6- Authenticité radicale
L’authenticité radicale veut dire que vous communiquez à la personne ce qu’elle ressent parce que vous comprenez ce qu’elle traverse à un niveau très profond. Vous avez peut-être vécu une expérience similaire. L'authenticité consiste à partager cette expérience d'égal à égal.
Tous les 6 niveaux de validations ne sont pas applicables à toutes les situations. Vous choisirez celui qui convient le mieux selon le cas auquel vous aurez affaire (voir exercice en bas de page :)
Pour mieux comprendre ce qu'est la validation de la personne voyons également ce qu'implique son contraire.
Invalidation émotionnelle
L'invalidation émotionnelle se produit lorsque les pensées et les sentiments d'une personne sont rejetés, ignorés ou jugés. L'invalidation est émotionnellement perturbante et elle est particulièrement blessante pour une personne sensible sur le plan émotionnel.
L'invalidation perturbe les relations et crée une distance émotionnelle. Lorsque les gens s'invalident, ils créent une aliénation de soi et rendent la construction de leur identité très difficile.
La plupart des gens nieraient qu'ils invalident l'expérience interne des autres. Très peu d'entre eux invalideraient délibérément quelqu'un d'autre. Mais les personnes bien intentionnées peuvent être mal à l'aise avec des émotions intenses ou croire qu'elles aident alors qu'elles invalident en fait.
Pourquoi et comment les émotions sont-elles invalidées
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les personnes qui se soucient de vous vous invalident même si c'est intentionnel. En voici quelques-unes.
1. Interprétation erronée de la relation
Parfois le fait d’être proche de quelqu’un peut donner l’impression qu’on connait la personne et donc qu’on sait forcément ce qu’elle expérimente. Alors sans même lui demander ou échanger sur ses ressentis on lui indique ce qu’elle devrait faire, ressentir ou penser. Voilà ce que j’appelle « être à côté de la plaque ». Les intentions peuvent être louables cependant on ne peut pas dire à quelqu’un ce qu’il devrait ressentir ou faire sous prétexte qu’on le connait assez bien.
2. Mauvaise compréhension de ce que signifie valider
Parfois, les gens invalident ce que ressent ou dit une personne parce qu'ils croient que s'ils la valident cela impliquerait qu'ils sont d'accord et donc qu’ils partagent les mêmes croyances, convictions…etc. Une personne peut déclarer (invalider) : "Tu penses que ta mère est horrible et tu en as honte de ta colère. Tu as raison on ne devrait pas penser ça de sa mère". Valider quelqu’un ne veut pas dire que vous êtes d’accord avec ce qu’il pense ou croit. Gardez bien à l’esprit que lorsque vous validez une personne, il ne s’agit pas de vous et de vos croyances (il ne faut pas être en colère contre sa mère) mais des sentiments et pensées de l’autre personne et ce que vous pensez n’y changera rien sauf si votre objectif est de la manipuler ou la transformer.
Parfois, en tentant de rassurer la personne on peut l’invalider « tu ne devrais pas penser de cette façon parce que ça te fait souffrir ou ça te met en colère ».
D'autres fois, on vous invalide parce qu’on veut réparer vos sentiments « Allez ne sois pas triste, je n’aime pas te voir comme cela ». Les gens qui vous aiment ne veulent pas que vous soyez blessé, alors parfois ils invalident vos pensées et vos sentiments dans leurs efforts pour vous faire sentir mieux.
3. Évitement des émotions
C’est tout ce que vous dites ou faites pour écarter, ignorer ou fuir les sentiments qui vous mettent mal à l'aise. Vos interventions ne sont alors pas sincères parce que vous ne voulez pas être contrarié ou vulnérable. Dire "ce n'est pas si grave" alors que c'est important pour vous ou l’autre personne, c'est une façon d’éviter ses sentiments. Eviter les sentiments de quelqu’un parce que ses émotions vous angoissent et que vous ne savez pas comment les gérer est de l’évitement.
Voici d’autres exemples d'invalidation….
4. Juger : "Tu réagis de façon excessive" et "C'est une pensée ridicule" sont des exemples d'invalidation par le jugement.
5. Nier : "Tu n'es pas en colère, je sais comment tu agis quand tu es en colère", et "Tu as tellement mangé, je sais que tu n'as pas faim", invalident l'autre personne en disant qu'elle ne ressent pas ce qu'elle dit ressentir.
6. Minimiser : "Ne t'inquiète pas, ce n'est rien, arrête d’y penser tu vas juste gâcher ton sommeil" est généralement dit avec les meilleures intentions, mais le message transmis est de ne pas ressentir ce que vous ressentez.
Maintenant que vous savez en quoi consiste la validation et l'invalidation d'une personne, je vous propose un petit exercice pour vous familiariser à l’utilisation des différents niveaux de validation. Vous pouvez laisser vos réponses dans les commentaires pour qu'on puisse échanger sur nos différentes interventions.
Situation 1 : Votre meilleure amie est bouleversée parce que son mari a découpé sa carte de crédit. Elle dit qu'il la traite comme une enfant et qu'il la contrôle tellement qu'elle n'a plus de place pour respirer. Lorsque vous lui demandez quelle était sa raison, elle vous répond qu'elle a dépensé trop d'argent pour la quatrième fois, qu'elle a dépassé le solde en achetant des chaussures chères et qu'elle n'a pas pu payer la facture. Comment la validez-vous ? Vous pouvez évoquer plusieurs niveaux.
Situation 2 : votre amie vous dit qu'elle a quitté son emploi. Elle a démissionné parce que son patron l'a vivement critiquée devant d'autres personnes. Elle lui a déjà demandé deux fois de ne pas la mettre dans l'embarras, mais il se met facilement en colère. Elle a eu peur de lui parce qu'il lui rappelait un oncle abusif et elle ne pouvait plus continuer à travailler pour lui. Comment la validez-vous ?
Situation 3 : vous appelle et vous parle de son régime alimentaire. Elle se plaint d'avoir mangé du gâteau au chocolat et d'autres sucreries et veut en manger plus, mais elle ne veut pas prendre de poids, elle est en colère contre elle-même. Comment la validez-vous ?
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